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Jean-Marie Mansion

Jean-Marie Mansion

"L'art de vivre ce n'est pas forcément d'en faire toujours plus, de voir plus grand ou d'être le meilleur, c'est de faire des choses simples"

 

Région apicole dynamique grâce à son climat doux et à sa biodiversité, la Touraine compte environ un millier de passionnés d'abeilles à petite ou grande échelle. Jean-Marie Mansion avec ses 49 ruches à Saint-Laurent-de-Lin est un pluriactif, un de ceux pour qui l'apiculture est une source complémentaire de revenus. Ses autres domaines de prédilection ? Les variétés de pommes anciennes, les poires, la rénovation de maison, la taille de pierres, le plessage de haies... Toujours prêt à donner des conseils, sa véritable passion est le partage.

 

Comment vous est venue l'envie de devenir apiculteur ?

 

Je suis issu d'un milieu rural, mes parents étaient des cultivateurs. A l'époque, l'agriculture n'utilisait pas de pesticide. J'ai suivi une formation dite conventionnelle mais ce qui m'intéressait vraiment c'étaient les fleurs ! Je travaillais dans un parc quand un jour j'ai trouvé un essaim dans un arbre et je me suis dit qu'il irait bien dans le fond de mon jardin, comme on peut avoir une mare ! Je me suis pris au jeu. Un apiculteur m'a montré comment attraper un essaim. J'ai construit ma première ruche sur son modèle et depuis je fais tout moi-même. Ça va faire trente ans.

 

On peut dire que vous vous êtes fait piquer...

 

Oui ! Au sens propre comme au sens figuré, pas plus tard qu'hier ! Il peut y avoir jusqu'à 40 000 abeilles dans une ruche si la colonie est forte et en pleine santé. Mais toutes ne le sont pas forcément. Quand on récolte un essaim, il est rare de se faire piquer. Quand on intervient sur un nid permanent, il est bon de se protéger. On se couvre et on enfume la ruche avec de l'herbe sèche. Ça sert à prévenir les abeilles qu'on arrive, à les calmer et en général tout se passe très bien.

 

Quel type de miel produisez-vous ?

 

Du miel de colza, d'acacia, de tilleul, de forêt, de fleurs, de tournesol... Pour faire du miel d'acacia par exemple, on amène les ruches et leurs hausses vides (les greniers qui sont au-dessus du corps des ruches) au début de la floraison. Quinze jours ou trois semaines après, on les extrait. Les abeilles vont se nourrir au plus près de leur domicile. Si nous avons une boulangerie à cinquante mètres de chez nous, nous n'irons pas chercher du pain à cinq kilomètres... C'est pareil pour les abeilles ! Bref, le miel d'acacia est transparent et liquide. Ce qui fait la différence de consistance, c'est la cristallisation. Si le miel a une dominante de glucose comme le tournesol, il sera cristallisé. S'il a une dominante de fructose ou de lévulose, il sera liquide comme l'acacia ou le trèfle.

 

Vous êtes fils de cultivateur en polyculture dans le Perche. Aujourd'hui on dirait agriculteur, voire céréalier, éleveur laitier... Vous avez eu une formation conventionnelle et vous récoltez aujourd'hui du miel bio...

 

Je connais les méthodes conventionnelles, l'utilisation des pesticides et leurs excès. Je peux en parler aisément. J'ai choisi de revenir à mes racines. Le miel biologique est une démarche naturelle. La réglementation implique de ne pas utiliser de produit chimique, pas d'antibiotique... Personnellement, je ne nourris pas mes abeilles. Ça consisterait au printemps ou à l'automne à mettre du sirop pour les stimuler. Je pars du principe que l'abeille est censée se débrouiller dans la nature. J'ai peut-être un peu plus de pertes que d'autres apiculteurs parce qu'il peut y avoir des ruches où il n'y a pas assez de nourriture... Mais ce n'est pas le rendement qui m'importe, c'est la qualité. L'art de vivre ce n'est pas forcément d'en faire toujours plus, de voir plus grand ou d'être le meilleur, c'est de faire des choses simples en harmonie avec la nature pour moi et pour les autres.

 

Peut-on faire appel à vous pour récolter un essaim indésirable dans notre jardin ?

 

Oui, ça arrive souvent. Ça fait partie des missions d'un apiculteur. S'il s'installe, un essaim peut causer des nuisances, aller se nicher dans une cheminée. A nous, il sert à renouveler le cheptel qui disparait. Mais environ un essaim sur trois a de l'avenir, tout dépend de l'âge de la reine et de l'état sanitaire des abeilles... C'est aussi l'occasion de rencontrer des gens, de partager notre passion !

 

Avez-vous un projet que vous aimeriez développer ?

 

Oui, je suis en train de restaurer une grange pour en faire une salle d'exposition et éventuellement une salle de réunion qui serait en rapport avec l'apiculture et les associations dont je suis membre, une qui milite pour la sauvegarde des variétés fruitières régionales en voie de disparition et l'autre pour la sauvegarde des maisons paysannes traditionnelles. Ce sera proposé à la visite gratuitement.

 

Si je vous dis Terroir ?

 

Les vins, les champignons, le fromage, les rillettes, les rillons, les macarons de Cormery... Je reste un passionné de fruits et la Touraine est le jardin de la France. Je craque pour les poires... La Triomphe de Vienne, la Doyenné du Comice et, une variété assez originale, la William Duchesse qui peut peser jusqu'à cinq cent grammes.

 

Si je vous dis Touraine ?

 

La diversité, les châteaux, les vallées, les troglodytes, la Loire... On fait cinq kilomètres et les paysages changent. Ici, nous sommes dans les faluns. Il y a le musée de la mer des faluns à Savigné-sur-Lathan. Ce sont des dépôts d'animaux marins qui ont 15 millions d'années, on y trouve des dents de requins ! En Touraine, il y a aussi les jardins de Villandry, les grottes pétrifiantes de Savonnières... Il y a une diversité phénoménale ! Mon paradis est à un kilomètre de chez moi. Un verger, un point d'eau, en pleine nature, où je peux prendre le temps pour observer la nature, être au calme, un moment privilégié propice à la rêverie.